Jan 01

HabAr # Petits peuples : les Aroumains sont-ils roumains? [Njicã mileti : suntu eli Armãnjii români ?]

Catégorie : Habari/NewsEditeur @ 2:57 pm

Cet article vient de paraître dans le Courrier des Balkans. Ce site d’information étant payant, voici le texte intégral : 

Le ministre délégué aux Relations avec les Roumains de l’étranger, Dan Stoenescu, a effectué les 23 et 24 décembre une visite en Albanie. Il a notamment rencontré Halil Hyseni, ministre-adjoint des Affaires étrangères, et Valter Ibrahimi, conseiller diplomatique du président. L’occasion de réitérer « le soutien ferme » de Bucarest au processus d’intégration à l’Union européenne de l’Albanie. « Les membres de la communauté aroumaine d’Albanie et ceux de la minorité albanaise de Roumanie constituent un pont qui permet la consolidation du dialogue entre les deux pays », a aussi souligné Dan Stoenescu.

Cette visite s’inscrit dans une tentative, qui n’est pas nouvelle, d’obtenir la reconnaissance par l’Albanie des Aroumains comme minorité nationale roumaine. Pour le moment, ceux-ci sont considérés comme « groupe ethnique ». Une démarche similaire a été entreprise en République de Macédoine, sans succès, malgré les promesses de soutien de la Roumanie au processus d’intégration de ce pays dans l’UE, parce que les Aroumains y sont déjà reconnus comme minorité nationale, mais sous le nom de « Vlasi » (Valaques) et non de Roumains.

Les Aroumains, une minorité transnationale disputée

L’argument invoqué est l’existence, depuis la chute du communisme, d’un statut de minorité nationale accordé par la Constitution roumaine aux Macédoniens et aux Albanais. Au recensement de 2002, 731 personnes se sont déclarées « Macédoniens » et 520 « Albanais » en Roumanie. La même année, on dénombrait 9 695 Valaques (Aroumains) en Macédoine. Il n’existe pas de chiffres officiels en Albanie, mais leur nombre serait plus élevé selon la plupart des estimations.

La démarche de Bucarest à Skopje et Tirana risque d’être contrariée par la demande de statut de minorité nationale en Roumanie même, déposée en 2005 par les Aroumains de Roumanie. Toujours selon le recensement de 2002, 26 387 personnes se déclaraient appartenir à cette population. Les Aroumains sont eux-mêmes divisés sur cette question de la reconnaissance du statut de minorité, qui permettrait notamment l’accès à un enseignement en aroumain à l’école : certains, tout en se disant « Aroumains », refusent en effet l’étiquette de minorité.

Une question reste aussi ouverte : dans les autres pays balkaniques, les Aroumains sont-ils roumains ? Le principal argument du discours national roumain forgé il y a plus d’un siècle et de retour après une longue éclipse sous le régime communiste, est d’ordre linguistique : l’aroumain est un dialecte historique extra-territorial du roumain, donc les Aroumains d’Albanie et de Macédoine sont Roumains. Idem pour ceux de Grèce, pays où se trouve la plus importante communauté aroumaine. En théorie tout au moins, puisqu’il n’y a pas eu encore de démarche de la Roumanie par rapport à l’État grec. Il faut en effet remarquer qu’Athènes revendique comme « Grecs vlahophones » les Aroumains d’Albanie.

Roumain, aroumain : quelles différences, quels points communs ?

Sans doute, l’aroumain et le roumain appartiennent à la même romanité orientale ou balkanique, mais les deux ont évolué séparément en sorte que les différences ne manquent pas et empêchent l’intercompréhension courante entre leurs locuteurs. Bien moins répandu que le roumain et depuis longtemps en perte de vitesse, l’aroumain est aujourd’hui considéré comme une langue à part par la plupart des linguistes étrangers.

En Roumanie, en revanche, la question demeure taboue, y compris parmi les linguistes. Aussi, avant son voyage en Albanie le ministre Dan Stoenescu s’était-il rendu le 22 décembre à l’Institut de linguistique auprès de l’Académie roumaine. Avec les responsables de cette institution, il s’est entretenu sur « la promotion des valeurs roumaines, de la conscience nationale et de l’identité des Roumains des pays balkaniques et de la République de Moldavie », tout en invitant « le milieu académique à adopter une position ferme au sujet de l’appartenance des dialectes sud-danubiens à la langue roumaine », rapporte le communiqué émis.

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